Il est vrai que la « Fondation Orange Tunisie » a été créée en mars 2022, mais ses programmes sont déployés depuis 2012. Depuis cette date, l’opérateur s’est intéressé à plusieurs problématiques locales dans différents domaines pour continuer à faire ce qu’il a toujours fait, consolider et élargir sa stratégie RSE. En effet, dès le départ, l’opérateur a choisi de mettre en place une stratégie RSE solide et pérenne, qui repose sur son domaine d’expertise, qui est le numérique, avec en main des programmes enrichis, sélectifs et renforcés selon les objectifs de déploiement, des tâches bien déterminées et des priorités bien ciblées pour gagner en efficacité et en sérénité. La présidente de la Fondation Orange Tunisie, Maya Jerbi, nous en dit plus dans cet entretien.
Quelle est l’ambition du projet que vous portez ?
Aujourd’hui, le numérique est un nouveau modèle d’apprentissage, qui s’impose de plus en plus dans notre quotidien et dans tous les domaines. Comme on a cette expertise-là, l’idée mère est donc d’accompagner cette transition digitale, en visant trois cibles prioritaires, à savoir les enfants, les jeunes et les femmes dans toutes les régions de la Tunisie, avec un programme bien déterminé pour chacune de ces cibles.
Donc, la « Fondation Orange Tunisie » est une association qui vise à contribuer au développement du pays à travers une série de programmes très intéressants et très concrets et en s’appuyant sur les ressources et le potentiel qui existent dans les quatre coins du pays. On s’attaque, avec nos différents partenaires, aux multiples problématiques et challenges majeurs qui ont émergé avec le digital.
C’est, en fait, l’idée derrière la création de la « Fondation Orange Tunisie », qui agit sous la casquette de la Responsabilité Sociétale de l’opérateur, avec en main des programmes très développés et qui évoluent selon les besoins et les spécificités de chaque région et de chaque cible.
Pour la « Fondation Orange Tunisie », « Femme et Entrepreneuriat » est un axe prioritaire. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Pour les femmes, depuis 2014, on a mis en place le programme des « Maisons Digitales » qui vise à faciliter l’insertion sociale et professionnelle des femmes dans toutes les régions aussi bien urbaines que rurales en fonction des besoins et des associations partenaires.
Ce sont des espaces aménagés et équipés par des kits numériques, un matériel informatique très intuitif, évolutif et conçu pour durer (tablettes, ordinateurs…)… L’ensemble est accompagné par un contenu riche et indispensable pour que ces femmes (micro-entrepreneures, porteuses d’idées de projets, artisanes…) puissent être outillées du savoir-faire nécessaire qui leur permet de faire évoluer leur projet.
Ceci s’inscrit, entre autres, dans notre objectif de l’inclusion financière, l’inclusion digitale, la gestion de projet, le renforcement des « soft skills », c’est-à-dire tout ce qui peut aider et contribuer à la formation de ces femmes et leur accompagnement pour qu’elles puissent faire aboutir leur projet.
Ceci sans oublier de mentionner que les « Maisons Digitales » est un programme qui a été lancé en partenariat avec le ministère de la Femme et 17 associations partenaires d’ici la fin de cette année. Elles sont 15 actuellement.
Par ailleurs, d’ici la fin de l’année, on aura aussi la création de deux nouvelles entités, qui seront installées à Kebili et à Monastir pour atteindre un chiffre total de 26 « Maisons Digitales » sur tout le territoire tunisien.
Vous dites, donc, que les « Maisons Digitales » est la pièce qui manque pour que la femme entrepreneure trouve son chemin ?
Le constat est là depuis un bon moment et on ne peut pas l’ignorer : il existe un fort potentiel inexploité chez les femmes tunisiennes.
A cet égard, grâce à ce programme des « Maisons Digitales », on a appris à connaître ces femmes et à découvrir de plus en plus le potentiel qui en découle. Ce sont des femmes responsables, courageuses, tenaces, déterminées, résilientes…, qui aspirent à une autonomie financière par tous les moyens. Rien que par ces qualités, elles sont entrepreneures dans l’âme, mais qui manquent de quelques moyens et de soutien, à l’instar de l’orientation, l’accès aux structures d’appui, l’accès aux crédits, l’éducation de qualité, l’accès au numérique…
Partant de ce besoin et de cette nécessité, le programme des « Maisons Digitales » a donc comme mission principale de travailler sur la culture entrepreneuriale, d’une manière générale, pour que ces femmes se mettent sur la bonne voie.
Certes, il y a un retard à rattraper dans ce sens. C’est une réalité que l’on ne peut que constater, mais ces moyens et ces outils sont et resteront toujours nécessaires pour concrétiser et faire réussir n’importe quel projet. Il y a donc cette nécessité d’être présent dans toutes les régions pour donner à ces femmes ce coup de pouce pour qu’elles puissent avancer à pas lents, certes, mais solides et durables. Ceci est encore vrai, à l’heure où elles ont le savoir-faire nécessaire.
C’est pour toutes ces raisons que nous sommes présents sur tout le territoire national avec ces « Maisons Digitales », cet espace aménagé et équipé grâce à des associations partenaires, mais aussi grâce aux salariés bénévoles d’Orange Tunisie, qui se déplacent pour former sur ces outils.
Aujourd’hui, cet effort a-t-il porté ses fruits ?
Bien évidemment A ce niveau, je cite l’exemple du Prix « Coup de Cœur Ô Féminin », un challenge international qui met en compétition les « Maisons Digitales » du réseau Afrique et Moyen-Orient pour participer avec leurs projets. Ce prix est composé d’une bourse pour contribuer au financement du projet de la lauréate. A nos jours, 13 Tunisiennes bénéficiaires du programme « Maisons Digitales » ont pu décrocher ce prix avec un financement qui varie entre 5.000 et 10.000 euros, ce qui est une fierté en soi.
Finalement et non moins important, il faut préciser que ces « Maisons » sont aussi des lieux où les femmes peuvent se rencontrer, échanger, s’entraider, se soutenir… Ce sont des lieux de vie. On pense même à mettre en place de nouveaux serveurs contenant des contenus variés, pour que ces femmes puissent amener leurs enfants avec elles et éviter tous types d’obstacles qui les empêchent de se rapprocher de leur rêve d’être une entrepreneure autonome.
Il est vrai que les « Maisons Digitales » est un programme à 100% destiné aux femmes. Mais cet outil confirme, encore une fois, que le numérique est aussi un facteur d’égalité entre les deux sexes. C’est en quelque sorte une lutte contre l’exclusion sociale et du genre, pour que ces femmes trouvent l’appui nécessaire.
Aujourd’hui, on a dépassé la barre de 1.700 femmes qui ont bénéficié de ce programme et les « succes stories » ne manquent pas. Je peux citer l’exemple d’une femme qui a gagné le prix de la Fondation Orange « Coup de Cœur Ô Féminin » et qui a fait évoluer son business. Aujourd’hui, elle a créé son propre atelier et elle est passée au recrutement d’autres jeunes filles pour élargir et développer ses activités. Cette femme a réussi, aujourd’hui, à impacter son environnement et est devenue un moteur de croissance dans sa région. Elle a réussi à donner l’exemple et l’espoir aux autres femmes pour avancer. Elle peut même former, inspirer, influencer…
Face à un financement qui reste un défi de taille pour les entreprises en phase de démarrage, est-ce que vous assurez un accompagnement financier même au-delà de trois premières années qui suivent sa création ?
Au départ, nous finançons l’association partenaire pour équiper la « Maison Digitale » d’outils nécessaires, outre la formation qui manque aux différentes participantes à ce programme.
Ceci n’est que la partie émergée de l’iceberg, car après, il y a d’autres actions qui s’imposent. Étant donné que notre mission ne s’arrête pas là, on a créé des compétitions pour encourager et récompenser les meilleurs projets choisis dans le cadre de ce programme. La dernière en date est une compétition lancée en partenariat avec EFE Tunisie, durant laquelle on a eu trois gagnantes des « Maisons Digitales ». Ces dernières ont bénéficié d’un petit financement pour appuyer leur projet. Dans un futur proche, et à travers d’autres partenariats, on va mettre en place un nouveau programme sur mesure pour les soutenir et les inciter davantage.
Certes, le financement est un élément important et indispensable, mais, pour nous, le maître-mot reste l’accompagnement… Avec un financement sans éducation financière, on aura, par conséquent, une mauvaise gestion qui pourrait conduire à l’échec total du projet même si l’idée est excellente.
On entend parler du programme des « Écoles Numériques » pour lutter contre le décrochage scolaire. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce projet?
Les « Ecoles Numériques » est un programme destiné à l’enseignement primaire. Notre mission consiste à équiper avec des contenus éducatifs et numériques des écoles dans toutes les régions de la Tunisie, rurales comme urbaines.
Le choix se fait en étroite collaboration avec le ministère de l’Éducation, notre partenaire stratégique dans ce projet. Nous travaillons main dans la main pour identifier les écoles ciblées, selon des critères bien déterminés. D’ici fin 2023, on aura clôturé le chiffre de 170 écoles équipées.
L’action consiste à équiper les écoles avec des kits numériques (des tablettes, des ordinateurs, des contenus éducatifs et périscolaires…). Ce programme, très riche en termes de contenu, reste lié et conforme au programme du ministère de tutelle. Donc, l’enseignant peut présenter son cours de deux manières, ou bien celle classique ou bien via le digital. L’objectif derrière ce projet est d’initier les enfants, dès leur jeune âge, aux outils digitaux. Le lancement de ce programme se justifie aussi par un autre constat inquiétant et alarmant qui se traduit par l’existence des deux mondes parallèles : le monde du digital dans lequel on vit aujourd’hui avec des enfants très connectés contre un système d’enseignement qui reste toujours classique et qui n’a pas encore intégré ces nouveaux outils. Le digital doit être un allié pour pouvoir réconcilier cette idée, vu le gap existant.
L’idée ici c’est de laisser les enfants apprendre à utiliser le digital de la bonne manière pour savoir ce qu’ils doivent éviter, les précautions à prendre… A cet égard, cette réconciliation entre le monde du digital et le système d’enseignement est indispensable. Donc, notre objectif, c’est de construire un monde numérique plus responsable.
A cet ensemble, on ajoute la communication qui reste un élément primordial. Il faut communiquer avec un langage différent et donner l’exemple aux enfants qui passent une bonne partie de leur temps à l’école avec le personnel éducatif et les enseignants.
Sur le terrain, existe-t-il une volonté pour avancer et concrétiser ce projet?
La volonté, le travail et l’implication ne manquent pas pour faire réussir ce challenge. Le ministère de tutelle a adopté ce projet et il est en train de déployer les écoles numériques sur tout le territoire avec des objectifs communs, une équipe et un budget bien déterminé pour ce projet. Un pas à saluer à sa juste valeur à l’heure où il est plus que jamais temps de reformer le système de l’éducation dans notre pays.
Aujourd’hui, on a par exemple comme contenus numériques Wikipédia, Vikidia, Wikifundi, la bibliothèque Gutenberg, la Khan Academy, des livres scolaires, des contes… Un contenu très diversifié, accessible, ouvert à l’enrichissement et qui aide à la sensibilisation sur le comportement citoyen, sur l’environnement…
Les maillons qui manquent sont les activités culturelles, artistiques, sportives… qui sont très formateurs pour l’enfant puisqu’ils stimulent sa créativité.
Sur un autre plan, pour compléter ce programme, on a lancé le concours « Wiki Challenge » qui s’adresse aux élèves scolarisés dans des « Écoles Numériques » dans plusieurs pays d’Afrique francophone. Ces écoliers, souvent dépourvus de livres scolaires et d’internet, ont été connectés aux contenus éducatifs « off line » grâce aux tablettes et aux serveurs que nous avons mis à la disposition des écoles.
Le concours propose aux enfants d’écrire un article sur leur région. Il s’agit, en fait, d’articles sur des thèmes chers à leur communauté (leur ville, leur village, leur lieu d’intérêt…), avec un style rédactionnel encyclopédique. Ça peut être sur le patrimoine culinaire, culturel, historique… Il faut que l’enfant apprenne d’abord à écrire pour faire des recherches… Un travail qui se fait en équipe, entre les élèves et les enseignants. Pour cette année, la Tunisie a gagné deux prix, un à l’international et un autre national dans deux écoles à Djerba et à Tataouine.
Par ailleurs, en Tunisie, on est toujours à la recherche de nouvelles idées. À titre d’exemple, on a créé un atelier d’animation dénommé « RoboKids » qui vise à l’initiation à la robotique. Ici, les élèves de l’école primaire sont amenés à mettre en pratique de nouvelles connaissances.
D’un autre côté, avec différents partenaires, on a aussi essayé de mettre en place des ateliers artistiques, pour animer le réseau des écoles numériques, apporter d’autres briques et surtout développer encore plus ce programme, tout en s’appuyant sur une forte dynamique pour essayer de faire changer les choses.
Pour nous, si on veut construire un capital humain qualifié, compétent, visionnaire, si on veut construire des leaders…, il faut agir sur l’éducation primaire et sur la petite enfance, tout en sensibilisant les parents.
Et qu’en est-il pour les jeunes ?
Pour les jeunes, il y a les « FabLabs Solidaires », un programme d’éducation numérique qui regroupe toute sorte d’outils permettant de passer de l’idée à l’objet. Ouverts à toutes et à tous, ces espaces offrent la possibilité d’expérimenter, d’apprendre, de fabriquer et de partager les savoir-faire. Une bonne recette pour développer de nouvelles compétences et s’insérer plus facilement, par la suite, sur le marché de l’emploi. Il s’agit, entre autres, d’un nouveau mode d’apprentissage innovant et gratuit pour former, remotiver et booster les jeunes d’aujourd’hui qui sont les générations de demain. Dans ce projet, notre cœur de cible ce sont les jeunes non diplômés ou ceux qui sont à la recherche d’emploi, qui ont besoin d’une formation, d’une reconversion professionnelle… Donc, c’est un espace de création collaborative, aménagé et équipé par des machines numériques, où on trouve des experts qui vont accompagner les jeunes, quel que soit le secteur visé.
D’ici la fin de cette année, on aura 10 « FabLabs Solidaires », dont deux qui seront inaugurés à Gafsa et à Medjez El Bab. Le dixième et dernier-né de cette liste est un « AgriLab » qui sera orienté au secteur de l’agriculture et sera situé à l’École Supérieure des Ingénieurs de Medjez El Bab à Béja.
Pourquoi ce choix ? Parce que le secteur de l’agriculture est considéré comme une réelle source de revenus, surtout pour la région du nord-ouest, à grand potentiel, mais fortement touchée par le chômage. Donc, l’agriculture peut être un levier de développement alors que les gens manquent de formation.
Certains considèrent que le digital a le mérite d’apporter les métiers de demain qui sont encore méconnus. Qu’en pensez-vous ?
Nous partageons ce même avis et il faut profiter de l’opportunité que présente cette transition digitale en termes de nouveaux métiers et nouvelles compétences, d’où l’obligation de se reconvertir pour ne pas rater le coche et trouver notre place.
Mais, dans l’état actuel des choses, les gens sont mal orientés et sont incapables de trouver un nouveau chemin. Ces derniers doivent être conscients que le digital ne fait pas peur, au contraire, il présente de nouvelles opportunités.
C’est pour toutes ces raisons qu’il faut oser le changement. Un changement qui doit être accompagné de courage, de résilience et de motivation. Il est important de donner l’opportunité aux jeunes d’expérimenter, d’essayer, de créer, d’échanger…, dans un écosystème favorable pour leur redonner de l’espoir.
Existe-t-il d’autres programmes RSE au sein de la « Fondation Orange Tunisie » ?
Il y a le programme des « Villages », qui vise des zones très enclavées à l’intérieur du pays, dans l’objectif de donner accès à l’éducation, à la santé et à l’eau, trois éléments indispensables pour une vie digne et confortable. La dernière action a été menée à Bayadha en partenariat avec l’Association « Un enfant Des Sourires », où on a renouvelé une partie de l’école, un centre de soins et mis en place un point d’eau. L’idée est de toucher également les régions où le numérique n’est pas une priorité, et où les besoins essentiels font défaut.
Parmi nos autres programmes, je cite aussi l’axe culturel et celui de la santé. Pour le premier, on soutient les festivals musicaux dans les régions. Pour cette année, on va soutenir le Festival international de Dougga et celui de Kasserine. On a créé aussi le Prix Orange du Livre en Afrique (Pola) pour soutenir les écrivains et les maisons d’édition en Afrique francophone et donc en Tunisie aussi.
Quant au deuxième axe, on travaille particulièrement sur l’autisme. On soutient les enfants avec un trouble d’autisme ainsi que leurs parents. Ce sont, en fait, des familles qui sont un peu désarmées. Car même dans les écoles, il n’y a vraiment pas de soutien spécifique pour eux.
Dans ce cadre, la « Fondation Orange Tunisie » a pris l’engagement d’accompagner davantage ces personnes ainsi que leur entourage grâce à des experts reconnus dans ce domaine. Ainsi, nous avons lancé l’application « Tsara » pour encourager les parents à comprendre le comportement de l’enfant. On a mis aussi à la disposition des aides-soignants, des spécialistes, des associations qui œuvrent dans ce domaine, un programme de formation de huit mois avec une université française pour suivre gratuitement un cursus certifiant.
En guise de conclusion, parlez-nous de vos programmes futurs …
Notre objectif est de pérenniser et consolider tous les programmes précédemment cités afin d’élargir notre impact et toucher plus de bénéficiaires, surtout dans les régions. Sur un autre plan, on continue à chercher de nouveaux partenaires qui partagent notre vision pour pouvoir avancer sur des projets importants pour la Tunisie. Et là, il y a énormément de choses à faire !
D’une manière générale, il y a en Tunisie de l’engagement, de l’expertise, il y a un savoir- faire, il y a de l’expérience, il y a des partenariats solides…, tous les ingrédients sont réunis pour réussir. Aujourd’hui, notre ambition, c’est de travailler sur un projet national sur l’éducation pour lutter contre le décrochage scolaire.